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Un chatbot n’est pas conçu pour remplacer l’humain

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Philippe Duhamel

Interview de Philippe Duhamel, Co-fondateur de Clustaar

Clustaar est une startup qui développe une plateforme conversationnelle. Nous produisons une technologie de type intelligence artificielle permettant des conversations complexes entre des utilisateurs humains et les interfaces que sont les chatbots, les robots et les objets connectés.

Notre objectif est de permettre des conversations ouvertes et complexes. Quelque que soit la question, nous voulons que la machine apporte une réponse pertinente et contextualisée.

Notre savoir-faire provient du search marketing, secteur dans lequel nous avons appris à catégoriser automatiquement des mots clés Google avec des algorithmes de traitement du langage naturel (NLP). A ce savoir-faire, nous avons ajouté le machine learning et plus récemment le deep learning (les réseaux de neurones). Grâce à ces compétences, nous pouvons catégoriser de grands volumes de questions et comprendre les intentions qui y sont cachées.

Cela nous met en position d’organiser les dialogues entre un chatbot et ses utilisateurs.

Pensez-vous que les agents conversationnels permettent de fluidifier la relation client ?

Bien sûr. Prenez l’exemple d’une personne qui appelle son médecin pour annuler un rendez-vous et en prendre un nouveau. Elle est mise en attente pendant plusieurs minutes avant d’avoir un opérateur avec qui elle va dialoguer pendant 3-4 autres minutes. Avec un chatbot, cela aurait été deux fois plus rapide et sans attente. Le processus est plus efficace, moins anxiogène et l’expérience utilisateur bien meilleure puisqu’il place le contrôle de l’opération dans les mains de ce dernier. Actuellement, pour la plupart des marques, les demandes simples, qui constituent 20 à 30 % des flux, pourraient être traitées par un dispositif automatique de type chatbot. Un agent conversationnel efficace permettrait ainsi de désengorger les services clients, qui sont coûteux. De plus, en cas de demande réellement complexe, le bot peut « débrayer » et rediriger le client vers un opérateur humain pour préserver le niveau de qualité de l’opération.

Quels sont les dysfonctionnements des chatbots ?

La plupart des chatbots actuels ne sont que des QCM automatisés, avec des scénarios de réponse assez pauvres. Ils ne comprennent pas le langage naturel et sont bien vite pris en défaut. Cette pauvreté des réponses vient du manque d’étude de ce que nous appelons la donnée d’entrée. Pour bien répondre à une question, il faut l’avoir prévue à l’avance. Nos algorithmes sont capables de produire une analyse exhaustive d’un champ lexical pour détecter toutes les requêtes possibles sur un sujet donné. Ainsi, grâce à notre plateforme, un chatbot peut répondre à toutes les questions possibles et ne se contente pas de poser des questions basiques et apporter des réponses préenregistrées. C’est l’utilisateur qui doit poser la question, pas le chatbot.

Ensuite, il y a une complexité importante liée au contexte. Un utilisateur qui tape « fracture » dans un contexte de SAV a fait une faute de frappe. Il voulait taper « facture ». Dans un contexte de médical, il faisait bien référence à une blessure. Or ce type de piège doit souvent être géré au sein d’un même contexte.

Quelle est la place de l’humain dans cette forme d’IA ?

L’humain est encore très présent. Nous sommes bien loin de Terminator ou d’une machine capable de penser par elle-même. En fait, un chatbot n’est pas conçu pour remplacer l’humain, mais pour le compléter ou le décharger de tâches répétitives à faible valeur ajoutée.

Il y a deux grands cas de figure dans un cadre de relation client :

Dans le 1er, Chatbot first, c’est le chatbot qui est conçu pour gérer la relation, et l’opérateur ne reprend la main que lorsqu’il y a une interaction trop complexe, un problème ou si le client le demande.

Dans le second, Humain first, le chatbot a pour rôle de seconder l’opérateur humain et de le remplacer dans des scénarios bien définis, pour traiter des questions simples et récurrentes. Pour un service client, c’est plus simple à mettre en place : le chatbot va prendre dans un premier temps 5 % des interactions, puis 10 %, 15 %… on a donc le temps de tester et de faire progresser le chatbot au fur et à mesure.

Ensuite, n’oubliez pas que pour chaque question, il est nécessaire d’écrire une réponse, de bien la penser en préservant le ton et le style de la marque. Ce travail rédactionnel « créatif » est clé pour le dispositif. Il revient à l’humain.

Et finalement, la conception du chatbot et des algorithmes qui le motorisent sont bien sûr le domaine de l’humain. Comme le sont les opérations d’analyse des conversations, de debugging et de mise à jour.

Quels conseils proposez-vous au département de la relation client pour s’équiper de chatbots ?

En premier lieu, passer nous voir ! Ensuite, un chatbot est un dispositif apprenant. Il faut donc commencer par des interactions simples et viser des conversations plus complexes une fois un premier niveau d’expérience acquis.

Se poser les bonnes questions est donc clé :

  • Quel est l’usage visé (FAQ, assistance technique, envoi de documents, etc.) ?
  • Quel binôme chatbot/opérateur veut-on ?
  • Quel périmètre de connaissance le chatbot doit-il couvrir ?
  • De quelle base de données disposons-nous pour nourrir la conversation du chatbot ?
  • Prévoit-on de générer des réponses contextualisées au profil client (auquel cas des connexions au SI de l’entreprise seront nécessaires) ?

Enfin, quels sont les challenges qui vous attendent pour 2016-2017 ?

En premier lieu, nous allons recruter ! Nous allons accroître notre effort de R&D et recruter de nouveaux datascientists et ingénieurs développeurs. Nous prévoyons aussi de recruter des consultants data pour accompagner nos clients et gérer des projets complexes.  Les robots physiques comme Pepper de Softbank sont pour nous un débouché, comme le sont les objets connectés. Nous souhaitons aussi nous rendre plus visibles en France et aussi à l’international. Nous avons notamment un partenaire à Houston aux Etats-Unis avec qui nous commercialisons notre plateforme.

Une levée de fond est donc prévue, c’est notre principal objectif pour les mois qui viennent.

 

Interview réalisée par Romaine Klein
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