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La génération de « leads » est fondamentale pour les organismes de crédit

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Marketing Digital
Éric Nguyen

Bonjour Éric, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Passionné par le web depuis 1998, j’ai intégré la Startup Meilleurtaux.com en 2000 jusqu’en 2008. Si vous souhaitez survivre dans l’univers impitoyable des startups et faire progresser la société, vous apprenez à être le mouton à 5 pattes. Intégrateur, chef des projets, pilote SI, Hotliner, Webmarketer, avec toujours le souci d’accumuler les « Quick Win ». Je suis devenu ce que l’on appelle aujourd’hui le « Growth Hacker ».

J’ai ensuite rejoint une autre Startup du crédit « AB Courtage » pendant une année avant de créer ma propre société afin de profiter de mes compétences en « leads generation ». C’était la belle époque du SEO « facile » où on pouvait « ranker » en haut des SERP (Search Engine Result Page) de Google en moins de 24H. Malgré tout, cette « apparente » facilité n’est pas forcément accessible à tous. Ce qui a permis à tous ceux qui excellaient dans cette matière de se faire appeler « Jedi », « Guru », «Sorcier » etc. Un de mes mentors en référencement m’a dit un jour « fais comme si tu devais fournir une information à un aveugle, et si tu sais rendre accessible ta page, Google Bot te trouvera». 

En 2011, j’ai intégré MetLife afin d’accompagner cette société d’assurance dans sa volonté de se « digitaliser ». En plus de 5 ans, j’ai appris à travailler dans une société avec des processus d’une multinationale. L’écart culturel par rapport à une Startup est immense. Si au niveau de la Startup le travail consiste à influencer l’environnement extérieur pour produire du business, inversement, dans une grande société établie, le « Growth Hacker » essaie de faire bouger la structure de la citadelle afin de bâtir un écosystème digital. Depuis juillet 2016, je suis consultant Marketing Digital spécialisé en acquisition.

Vous avez été dans le secteur du crédit ainsi que dans celui de l’assurance, quelles sont les défis de la relation client dans ces secteurs ?

Pour une Startup de crédit immobilier, la génération de “leads” est fondamentale pour sa survie. En 2000, acquérir un prospect de crédit immobilier grâce à un site internet semble improbable. Les futurs clients étaient déstabilisés par cette relation virtuelle : pouvoir prendre un RDV avec son banquier sans se déplacer, c’était encore de la science-fiction. Le public rejetait ce nouveau type d’usage malgré les bénéfices évidents. Il a fallu donc passer du “Click au Mortar” autrement dit, ramener le prospect au face à face. Générer des prospects entre 2000 et 2005 ne comportait pas trop de difficulté, les canaux classiques fonctionnaient à plein régime : SEO, SEM, Emailing, Affiliation. La télévision, en embuscade, demeure le média dominant. Si on n’avait pas les moyens de s’offrir quelques secondes de publicité, il fallait envoyer un expert s’exprimer dans les journaux du 20H. Et puis les réseaux sociaux ont changé la donne.

Les premières expériences utilisateurs firent leur apparition, au-delà du site internet où l’information est diffusée, il a fallu donner aux internautes la possibilité d’expérimenter, de calculer eux-mêmes leur projet immobilier. Le courtier digital concurrence petit à petit le courtier classique. Pour la première fois, l’emprunteur commence à avoir presque autant d’informations que le courtier professionnel. Le secteur de l’assurance s’est inspiré de ce qui s’est fait dans le secteur du crédit avec une réussite moindre. Il n’y a pas eu jusqu’à maintenant d’acteurs qui arrivent sur le marché avec des « outils digitaux » assez performants pour emporter l’adhésion. L’outil seul n’est pas suffisant, le discours est déterminant. Si le travail d’information a été très bien fait en crédit immobilier, en assurance, en revanche, le public boude encore la complexité des explications. Il manque un expert charismatique pouvant brandir le bâton de pèlerin et rassemblant la foule. Il faut faire quelques recherches dans Google Trend pour le comprendre le travail d’influence créé en crédit immobilier. En effet, le couple de mots clefs « meilleur taux » est presque plus populaire que le couple « crédit immobilier ».

Dernièrement, Axa relève le gant, l’assureur en partenariat avec Facebook donne accès à ses agents généraux sur ce populaire réseau social. Cette expérience est à suivre avec attention, car elle se montre audacieuse et moderne. Rien n’est pourtant joué et si on regarde un peu plus les produits d’assurances, on se rend compte qu’on peut les résumer en deux grandes catégories : les assurances qui s’achètent parce qu’on en a besoin rapidement par exemple une assurance habitation, et les produits qu’on a souscrits sans savoir pourquoi. Peut-être parce qu’un jour on a répondu au téléphone et que l’on a dit qu’on était d’accord de prendre une assurance obsèques.  En termes d’acquisition de leads avec les canaux classiques cités plus haut, la rentabilité immédiate n’est pas possible. Beaucoup d’assureurs ont essuyé les plâtres. Seuls les produits immédiatement identifiables (ex. assurance auto) ont permis de générer des leads qui se concrétisent correctement. 

Si aux États-Unis, l’acquisition de leads via les réseaux semble être en voie de succès. En France, cela reste à démontrer. Peu d’assureurs osent investir en masse sur ce réseau social. J’accompagne actuellement un courtier belge dans l’acquisition de prospects en crédit personnel. Avec surprise, nous constations que les « leads Facebook » rivalisent largement avec « leads Google Adwords » à la fois en termes de qualité et en termes de volume et surtout un coût d’acquisition inférieur. Revenons à l’exemple de l’assurance obsèques : la question de la mort reste taboue et ne passionne pas les foules. Très peu de personnes font des recherches sur cette thématique. Sur les canaux classiques notamment le canal SEM, les acteurs de l’assurance se retrouvent donc à se partager un gâteau trop petit et forcément, à un prix prohibitif.

La génération des prospects à un niveau rentable demeure le problème numéro 1. En effet, le modèle de l’assurance repose sur la mutualisation des risques, il impose une lourdeur de traitement qui se trouve vite dépassée face à la nouvelle souplesse des assurés. En effet, quand il s’agit d’aller chercher de nouveaux clients sur leur terrain de jeu les réseaux sociaux, les assureurs sont bien démunis. Les prospects ou clients imposent une relation déroutante à un rythme des plus rapides, les assureurs découvrent que leurs clients n’ont pas le même temps qu’eux. Ils ont le « temps internet ». 

L’évolution de la législation, la meilleure information des clients incitent les assureurs à trouver des réponses, à s’adapter. Les particuliers ne se contentent plus de prendre une assurance les yeux fermés. Et quand ils ne sont pas satisfaits, toute la terre peut le savoir via les réseaux sociaux ou les sites d’opinions. Concernant ce point, ce sont des projets de type Forteresse Digitale ™ qui a le vent en poupe. Savoir protéger sa marque dans les résultats de recherche et dans les réseaux sociaux relève de l’urgence.

L’autre problématique inhérente aux assureurs, mais qui est aussi valable dans d’autres milieux c’est la connaissance client. Mieux connaître son client, c’est pouvoir imaginer son parcours et cette réconciliation des données est source de difficultés.  Il s’agit de faire parler plusieurs systèmes entre eux, mais aussi, et surtout de mettre en musique les personnes administrant ces systèmes. Le Big Data pointe son nez et la kyrielle de questions qui va avec : comment obtenir plus de data ? Qu’exploiter dans ces data ? Où stocker ces data ? Indéniablement, les autres secteurs notamment les banques en ligne sont en train de mettre en place une relation client multicanale disponible 24h/24h. Les assurés ne comprennent pas que les assureurs ne puissent pas proposer la même chose.

Quels outils avez-vous utilisés jusqu’à maintenant pour acquérir des clients ? 

Le développement d’outils en interne reste encore une pratique répandue. On obtient un meilleur contrôle des fonctionnalités, mais les mises à jour sont compliquées, la stabilité et la sécurité de ces développements ne sont pas forcément au RDV. L’investissement dans des solutions payantes comme SalesForce est pertinent, mais le ticket d’entrée est élevé si on souhaite « tuner » l’application à son écosystème. 

Comment voyez-vous l’évolution de la relation client ? 

Deux fondamentaux se dégagent et ce sont les mêmes qu’ailleurs : la data et l’Expérience Client. Le client souhaite être connu et reconnu, il souhaite des produits adaptés à ses besoins qui répondent et anticipent ses interrogations toujours plus nombreuses. Ils aimeraient pouvoir aussi activer / désactiver les garanties à la volée comme ils le font déjà pour les offres en téléphonie. Par exemple, vous vous rendez à l’étranger, vous activez un supplément de Data pour pouvoir surfer tranquillement. Concernant l’assurance, si vous voyagez temporairement en zone difficile, vous pouvez avoir envie d’activer temporairement un « plan accident ».  

La seconde démarche de l’assureur serait d’amener le client vers une autre vision. Si l’ADN « révolutionnaire » de l’assurance était la mutualisation des risques, aujourd’hui quel est-il ?  Réinventer l’assurance, c’est donner de l’agilité à quelque chose qui a comme postulat l’aversion du risque. Je dirai qu’il faudrait que le fichier de « calcul» de l’actuaire se modifie en même temps que la vie de son client. De mon point de vue, des outils tels que SalesForce pilotera ce fichier qui sera intelligent et augmenté. Par ailleurs, les objets connectés ouvrent vers de nouveaux canaux et de nouvelles pratiques. L’assureur qui saura unifier tout cela avec toute la souplesse adéquate tout en proposant une vraie valeur ajoutée aura gagné sa survie, voire la bataille. La construction d’une marque forte ancrée dans le digital lui évitera le côté « volatile » des clients d’aujourd’hui.

Côté Expérience Client, comme évoquée plus haut, l’assuré est désormais « multicanal », la relation « monocanale » notamment à travers le courrier postal peut être vécue comme une souffrance. Aujourd’hui, le client souhaite une relation avec un temps d’attente très réduite.  Il espère aussi de pouvoir interpeller son assureur n’importe tout et avec n’importe quel « device ». Enfin il exige une totale transparence quant à ses contrats.

Ce n’est donc pas un simple ravalement de façade, le modèle d’assurance doit être repensé. Les besoins de changement dans les pratiques vont au-delà de la simple « signature électronique ». Pas une semaine ne passe sans qu’un article ne soit relayé dans la presse et qui parle de la transformation digitale dans le monde de l’assurance et de la finance. Les acteurs s’interrogent, se font aider par des agences digitales plus ou moins talentueuses. D’autres, plus téméraires, investissent dans les équipes internes. Peu ou pas de succès notables pour le moment.

La possibilité de suivre l’assuré ou l’emprunteur dans les canaux, d’y répondre sur le même canal s’annonce comme une première approche. Des outils de Marketing Automation qui font du « leads nurturing » tels que HubSpot seront adoptés très vite.  

Le Design Thinking fait déjà timidement son entrée. Cette pratique plutôt bien accueillie deviendra indispensable.

En conclusion : l’internaute est devenue un être évolutif, il faut lui proposer des produits évolutifs. Pour coordonner tout cela, l’adoption des outils évolutifs et intelligents s’avère indispensable. Tout cela pose par ailleurs la question de la vie privée des internautes et de la sécurité de leurs données. Il faudra donc composer avec la législation. En sous-estimant ce paramètre, nombre de chantiers risquent d’être stoppés avant leur mise en ligne.

Les outils et les nouvelles pratiques ont un prix. Seuls ceux qui consentent à investir massivement peuvent faire la différence. Néanmoins, pour les petites structures, il y a sûrement des possibilités de construire un marketing automation avec des solutions moins onéreuses.


Interview réalisée par Romaine Klein
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