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La maturité

maturité

Tribune de Jean-Pierre Malle, fondateur chez M8, Datascientist & Data-Intelligence

J’étudie depuis des années la façon dont les individus analysent une situation, les cognitions qu’ils mettent en œuvre, le contenu de leur champ de conscience, leurs attitudes qui en découlent et finalement les comportements qu’ils adoptent compte tenu de leurs contraintes et de leur contexte. De cela j’ai pu tirer des modèles, des algorithmes et des machines apprenantes. Je voudrai aujourd’hui partager avec vous les enseignements que j’ai pu extraire d’un de ces modèles, le modèle de capacité maturité.

Certains d’entre vous vont me rétorquer que ce n’est pas nouveau, on parle de CMMi depuis plus de 20 ans. En effet le CMMi est une table de bonnes pratiques de développement logiciel créé par le Software Engineering Institute qui attribue un niveau à une organisation en fonction des pratiques qu’elle met en œuvre.

Mais il y a d’autres façons de construire des modèles de capacité maturité. En particulier un modèle sera d’autant plus propre et pertinent que chacun de ses niveaux correspondra à une façon différente d’aborder une problématique. Ainsi le modèle respectera des règles claires :

  • Les niveaux sont quantiques, il n’existe pas de niveaux intermédiaires ou partiels
  • On ne peut atteindre un niveau sans passer par le précédent
  • Chaque transition marque une rupture dans la façon d’aborder les problématiques

On peut ainsi construire un modèle composé de plusieurs axes sur lesquels viennent se loger des niveaux bien séparés les uns des autres et qui matérialisent une façon d’aborder les problématiques de l’axe avec plus ou moins de recul, d’expérience, bref de maturité.

Pourquoi faire ?

Par exemple : si je dois recruter une personne, je peux rechercher simplement quelques mots clés sur le CV d’un candidat, mais s’il mentionne par exemple “java” rien en me dit quel niveau il a atteint en java ? programme-t-il de façon basique ? évoluée ? sait-il comment fonctionne le garbage collector ? a-t-il touché au noyau ? etc.

Autre exemple : si je veux conseiller un client sur un véhicule, mon argumentation sera plus efficace si je peux évaluer son niveau de maturité. Est-il débutant ? expérimenté ? spécialiste de la motorisation ? expert en conduite sur sol glissant ? fait-il des rallyes automobiles ?

On le voit, repérer rapidement le niveau de maturité de l’autre s’avère indispensable dans la vie réelle. C’est tout autant indispensable lorsqu’un robot s’adresse à un individu.

Deux problèmes sont dès lors à résoudre :

  • Comment construire un bon modèle ?
  • Comment détecter le niveau d’un individu ?

Comment construire un bon modèle

Un principe trivial mais souvent oublié est qu’en terme de maturité, on ne peut concevoir que les niveaux par lesquels on est passé soi-même. Si je veux construire l’axe de maturité relatif au calcul différentiel et que je ne maîtrise pas les dérivés partielles et multiples, les tenseurs, Riemann, Henri Poincaré, René Thom, etc. je vais m’arrêter bien vite.

Comme on ne peut être au maximum de maturité sur tous les axes, un modèle de maturité sera forcément l’œuvre d’un groupe de travail varié composé d’experts eux même matures.

On note qu’il existe en outre de nombreuses règles et propriétés qui permettent de sécuriser le processus de conception du modèle. Par exemple, il existe des propriétés à certains niveaux de maturité que l’on retrouve sur des niveaux supérieurs. C’est d’ailleurs ce qui fait dire à certaines personnes que parfois le progrès présente des retours arrières, en fait il y a bien augmentation du niveau de maturité mais ces personnes ne maîtrisant pas ce niveau,elles y voient des propriétés rencontrées dans des niveaux inférieurs qu’elles maîtrisent et croient qu’il s’agit d’un recul.

Une fois créé le modèle doit être soumis à l’expérimentation et le cas échéant ajusté si l’on n’a pas respecté certaines règles de construction.

Comment détecter le niveau de maturité ? 

On ne peut pas détecter le niveau de quelqu’un par un QCM, comme on le fait pour évaluer des connaissances, car éditer une question sur la maturité apporte en partie la réponse.

Pour détecter un niveau de maturité il faut mettre l’individu en situation. De la façon dont il abordera la situation, si le modèle est bien fait, le niveau apparaîtra instantanément.

Plusieurs mises en situations sont généralement nécessaires pour confirmer le niveau de maturité car on peut toujours répondre sur un niveau inférieur au sien ou sur un axe auquel le concepteur du modèle n’a pas songé.

Par exemple si un visiteur d’un site internet informatif s’attarde sur certaines informations, et que ces informations ont été reliées à un niveau de maturité, il sera possible à un robot d’identifier le niveau de maturité de la personne par rapport à cette thématique.

Quelles sont les limites ?

Lorsqu’un domaine est connu, maîtrisé, analysé, on trouve des experts établis et aptes à formaliser un modèle de capacité maturité sur le domaine. En revanche lorsque l’on s’intéresse à un domaine nouveau, en pleine émergence on ne trouvera pas de tels experts bien évidemment. Il sera alors quasiment impossible de construire le modèle.

Il existe malheureusement dans la littérature des modèles de maturité disponibles, établis à partir d’une énumération de taches réparties selon leur niveau de complexité de mise en œuvre. Cela n’a rien à voir avec un vrai modèle de capacité maturité, bien que ça en porte le nom, car cela ne respecte pas les règles de construction.

En effet à chaque niveau de maturité la façon dont l’individu aborde le problème doit être différente. Les difficultés de mise en œuvre d’un outil ou d’une méthode, les contraintes économiques ne peuvent constituer des clés d’accès aux niveaux de maturité. On le voit bien, il suffit qu’une technologie se développe pour que son cout baisse et qu’elle prolifère, ce n’est pas pour autant que le raisonnement de l’utilisateur changera de niveau de maturité, seule sa capacité sera éventuellement accrue.

En conclusion

En psychologie cognitive, la maturité de l’individu joue un rôle important qui se traduit dans son comportement face à une situation.

Le modèle de capacité maturité offre bien des avantages lorsque l’on cherche à mieux connaitre des clients, mieux orienter des élèves, mieux détecter des risques, mieux recruter des collaborateurs, etc.

Et lorsque l’individu est positionné sur un niveau de maturité par rapport à une ou plusieurs problématiques, on peut mettre en œuvre une stratégie appropriée de communication.

Le modèle de capacité maturité doit impérativement respecter des règles de construction qui garantissent sa pertinence et sa stabilité. Mais il faut se méfier des faux modèles de capacité maturité.

 
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