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Homme ou Robot, quelle sera la relation client de demain ? 

bolerocf2016
Robot
Caroline Faillet

Interview de Caroline Faillet, co-fondatrice du cabinet Bolero

Quelles ont été les évolutions de la relation client ?

La relation client a vécu les mêmes évolutions que l’agriculture sur la deuxième moitié du XXème siècle : une logique de production extensive. Dans ce parallèle avec l’agriculture, on peut dire que les entreprises n’ont cessé d’augmenter la surface de culture (le nombre de canaux d’interaction client) et la productivité des surfaces (leur temps de réponse). Du courrier auquel les entreprises s’efforcent de répondre en quelques jours, à l’e-mail où le défi se compte en heures, puis aux réseaux sociaux qui sont à la minute près, voilà qu’il est désormais possible d’envisager une relation client en temps réel avec les chatbots. Evidemment, pour arriver à cette performance, il a fallu, comme pour l’agriculture, améliorer les processus et automatiser de plus en plus les tâches, au point de confier les clients à des robots musclés d’intelligence artificielle. Cette course à l’immédiateté ne fait que répondre à une exigence de plus en plus pressante d’un public qui veut tout, tout de suite, comme le client du maraîcher aspirait à des cerises en hiver.

La logique conversationnelle n’est-elle pas plus riche pour la relation client ?

En effet, le risque dans cette course de vitesse est de perdre le plaisir et la convivialité. Pourtant certains ont pris le contre pied de ces agents de conversation déshumanisés. Zappos par exemple, le site marchand devenu filiale d’Amazon, a résumé sa promesse à l’excellence client. Dans le service relation client de Zappos, on prend le temps, on discute. On vous oriente, si besoin, vers le concurrent qui dispose de la taille ou du modèle que le site Zappos ne propose pas, comme si la conversation ne se déroulait non pas avec un vendeur mais avec un ami. On ne fournit pas de script aux téléacteurs et même, on ne mesure pas leur temps au téléphone, au point qu’un vendeur a pu se vanter d’être resté six heures au téléphone avec une cliente !

D’ailleurs, entre eux, les internautes sont très loquaces pour étayer leur point de vue et contextualiser leur besoin :de quelle logorrhée sont-ils capables sur les forums, dans les commentaires d’articles ! Blablacar ne porte-t-il pas dans son nom l’échange qui va se dérouler entre un « chauffeur » et son « client » ? Les twittos qui disposent d’une vraie communauté sur Twitter le savent bien : prendre le temps de plaisanter, de converser sur le réseau social est la clé de véritables interactions et donc de la constitution d’une solide communauté. Dans cette optique, la relation se mue en expérience positive, propre à laisser une trace mémorable dans l’esprit du client, remplaçant la meilleure campagne de publicité. Des supports comme Snapchat ou Périscope permettent une expérience plurisensorielle. En France les annonceurs ayant tenté l’expérience Snapchat sont encore peu nombreux. On remarque tout de même Alloresto.fr qui favorise l’interaction par l’envoi de contenus humoristiques ou de bons de réduction. On note aussi la bonne idée du FC Grenoble qui révèle à ses abonnés Snapchat en avant-première l’identité d’une nouvelle recrue de l’équipe.

Le graal en matière de relation client doit-il alors pouvoir mixer efficacité et expérience ?

Oui, pour les entreprises comme pour les agriculteurs, les gains de productivité doivent aussi s’accompagner de gains sur la qualité. Le robot et l’humain ont chacun une part à jouer dans les différents « moments de vérité » du parcours client. Le robot conversationnel est l’allié du temps réel, des interactions à faible valeur ajoutée comme par exemple orienter le client dans un catalogue ou des contenus en ligne. Pour conclure sur ma métaphore avec l’agriculture, je citerai L’étude « Les marchés de proximité franciliens dans l’air du temps » réalisée en 2011, par le CROCIS qui montrait que les parisiens vont au marché non parce que les produits sont plus frais ou plus locaux (ils ont la même provenance qu’au supermarché), non parce que c’est plus rapide mais parce qu’ils ont quelqu’un, un humain reconnaissable, à qui parler des produits achetés la semaine précédente. Les tomates étaient-elles aussi goûteuses qu’annoncées ? La recette suggérée a-t-elle été appréciée des invités ? Si le robot doit pouvoir indiquer où trouver le rumsteack dans le rayon, c’est bien d’un humain que l’on attendra des conseils de cuisson assortis d’une photo appétissante et le récit talentueux du souvenir qu’il va laisser à vos papilles.

Interview réalisée par Romaine Klein 

 
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